Ceci n'est pas un fait divers

Philippe Besson

Julliard

  • Conseillé par (Libraire)
    9 mars 2023

    Pudeur et justesse

    « Papa vient de tuer maman ». La phrase est simple, placée entre guillemets pour dire la parole. Elle est le livre de Philippe Besson que le titre complète pour dire tout. Ou presque tout. Car un féminicide, ce mot surligné en rouge dans nombre traitements de textes, comme une anomalie, n’est effectivement pas un fait divers mais un fait sociétal.
    C’est Léa, treize ans, qui dit ses mots à son frère, dix neuf ans, au téléphone. L’onde de choc va alors se répercuter sur les deux existences encore à leurs débuts. Elle percute aussi le (la) lecteur(trice) qui la lit, la regarde, sidéré(e).
    C’est le grand frère qui va raconter: « Je crois que j’écris aussi pour tenter de reconstruire nos existences détruites. Nous en avons bien le droit ». Il va remonter le temps, pour comprendre, chercher comme à chaque fois, des responsabilités, les siennes, celles des autres, ceux qui n’ont pas vu, pas voulu voir. Reconstituer l’histoire.
    S’il est un mot qui s’impose dans le récit du fils ainé c’est celui de domination.

    En remontant le fil des existences, Philippe Besson démontre la violence de l’homme, d’un mari, dont la jalousie maladive est le signe précurseur d’une tension conjugale croissante. Gendarmes sincères mais maladroits, voisins aveugles, amis défaillants, ces faits sont connus, répétitifs mais par leur permanence démontrent qu’effectivement l’assassinat d’une femme par son mari n’est pas un fait divers. Au drame, la société y participe par son aveuglement, son irresponsabilité, ses peurs. On ne veut pas rentrer dans le domaine de l’intime, de la famille: « Cela ne se fait pas, cela ne nous regarde pas ». Philippe Besson nous dit au contraire combien cela devrait se faire, combien cela nous regarde. Combien nous devons dire et dénoncer.

    Plus rarement évoqué, l’écrivain met aussi le doigt sur la douleur de ceux qui restent, la destruction de vies en devenir. Léa est traumatisée à jamais, détruite et va vivre de traitements en traitements, de maisons de repos en hôpitaux. Le frère ainé va abandonner sa carrière promise de danseur étoile pour donner des cours de danse à des enfants. Une vie s’est achevée, deux vies sont brisées.

    Comme à chaque roman, depuis plus de vingt ans, la force de l’écrivain est dans la justesse de son style, dans la distance adéquate entre pathos et mièvrerie. Que ce soit dans l’intimité de compartiments d’un train de nuit comme dans le dernier Paris Briançon ou dans le portrait de James Dean dans « Vivre vite » il sait admirablement dire les sentiments dans tous les moments de la vie et nous toucher. Parce qu’il écrit la vie. C’est élégant, beau, juste, fluide avec des mots simples, des mots de l’existence.


  • Conseillé par
    2 mars 2023

    féminicide

    L’auteur nous plonge dans le drame dès les premières lignes et l’appel de la petite soeur à son frère.

    J’ai aimé suivre le cheminement du frère narrateur qui revient sur le drame et les conséquences pour sa soeur et lui.

    Car les enfants de la femme morte sous les dix-sept coups de couteau de son mari n’ont pas le temps d’absorber et de digérer le drame. Il faut penser à l’enterrement, au logement, aux vêtements…

    J’ai aimé le grand-frère protecteur mais qui ne sait pas protéger tout à fait sa petite soeur.

    J’ai aimé son regard distancié sur ce père qui ne l’aimait pas, et j’ai eu de la peine pour sa soeur qui elle aime encore ce père bourreau.

    J’ai aimé que le fils cherche à expliquer le geste du père : cette peur de l’abandon qui le met en colère, le rend vulnérable.

    J’ai apprécié que le père soit un homme moyen qui réfléchit peu et soit déçu par la vie et la réalité de sa vie. Un homme qui a peur et le cache en faisant vivre sa famille dans la peur.

    J’ai apprécié que l’auteur insiste sur tout ce que le fils doit abandonner : non seulement l’Opéra mais aussi ses années de formation, ses douleurs corporelles, ses examens passés chaque année. Tout ça en un seul coup de fil suite à des coups de couteau.

    J’ai apprécié que l’auteur décrive la dérive psychique de la soeur, la rendant palpable.

    Un roman sur un homme qui n’a pas seulement tué sa femme, mais ses enfants aussi.

    Quelques citations :

    … qu’il avait eu l’impression que je refusais l’obstacle. Avec la mort, ça ne servait évidemment à rien. Elle lançait les dés et on était obligé de jouer.

    Ca avait existé, je n’avais pas rêver.

    (Un détail en passant : le mot « féminicide » est souligné en rouge dans le traitement de texte que j’utilise, comme le sont les mots qui n’appartiennent pas au dictionnaire. En fait, ce n’est pas un détail.)

    Nous ne devions pas parler d’un meurtre, mais de la volonté d’un homme d’affirmer son pouvoir, d’asseoir sa domination. Et de l’aveuglément de la société. Et de la peur de nommer.

    L’image que je retiendrai :

    Celle de l’ami du mari qui assiste un jour à une violente dispute du couple, mais n’ose en parler.

    https://alexmotamots.fr/ceci-nest-pas-un-fait-divers-philippe-besson/


  • Conseillé par (Libraire)
    1 février 2023

    Un sujet de société

    L'histoire commence par un drame, " papa à tué maman", puis c'est l'histoire de l'amour fraternel d'un frère et d'une sœur qui vont devoir se construire malgré ce drame. C 'est aussi l'histoire de l'amour d'un grand père pour ses petits enfants.

    Un roman tiré de faits réels sur la résilience mais aussi la destruction d'une famille, l'écriture de Philippe Besson nous captive et nous entraine au coeur de ce cercle, on comprend les sentiments que peuvent éprouver les protagonistes.

    Un roman triste mais écrit avec beaucoup de pudeur et de tendresse.


  • Conseillé par
    23 janvier 2023

    Un grand roman, qui fera date dans l’évolution de la société ! Un grand roman par la sensibilité que Philippe Besson sait donner à ses personnages ! Un grand roman par la pudeur et la responsabilité qui sous-tend toute son écriture. Un grand roman qu’il est indispensable de découvrir pour ne plus jamais fermer nos yeux, nos oreilles, notre cœur au drame qui quelque fois se prépare à quelques pas de chez soi !
    Présentation complète ici
    https://vagabondageautourdesoi.com/2023/01/23/philippe-besson-ceci-nest-pas/


  • Conseillé par
    17 janvier 2023

    Victimes collatérales

    Oh non, ce n'est pas juste un fait divers.
    Ce sont deux vies brisées ajoutées aux deux vies des faits.
    "Papa vient de tuer maman "
    Voilà ce que Léa, 13 ans, annonce au téléphone à son frère, 19 ans.
    Il prend aussitôt le train de Paris à Bordeaux.
    Et là, l'horreur, la lente descente aux enfers.
    Ils n'en sortiront pas indemnes.
    Dans des drames comme celui-ci, on parle beaucoup des victimes, des coupables, mais on parle peu des enfants.
    Partant d'un réel féminicide, Philippe Besson use de toute sa sensibilité pour sortir de l'ombre les victimes collatérales d'un tel meurtre abominable.
    Il le fait avec un grand tact.
    Les tourments incessants d'un grand frère démuni, sa culpabilité de n'avoir rien vu venir.
    Le traumatisme indélébile d'une adolescente qui a assisté à la scène.
    Une mère morte.
    Un père en prison.
    Plus de parents.
    Juste eux deux et leur grand-père, aucun ne sachant comment se sortir de ce drame.
    L'écriture est simple et belle et s'emploie à donner un éclairage plus large sur l'horreur de ces féminicides.


  • Conseillé par
    17 janvier 2023

    Un roman tragique mais passionnant

    En tuant sa femme, le père a détruit toute sa famille et surtout l'équilibre de ses enfants.

    Dans son nouveau roman Philippe Besson nous parle de violences conjugales, de féminicide, de deuil et de reconstruction. Celui-ci s'est inspiré de faits réels pour parler de ces victimes "collatérales" qui deviennent orphelines et de leur combat pour survivre...

    Un roman tragique mais passionnant ! Coup de cœur

    Conseillé par Patricia D. (Librairie Madison)